Doublement fou ! Diagonale 2017
- Christophe
- 25 sept. 2018
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 déc. 2021
Avec ses 167km de bonheur et 9780m de dénivelé positif à travers l’île de la Réunion et son environnement classé au Patrimoine Mondial de l’Humanité, la Diagonale des Fous est une course aphrodisiaque voir même quelque peu SM. Un seul impératif : parcourir la distance en moins de 66h. Elle a beau te faire souffrir comme ce n’est pas possible, elle t’attire inexorablement et te hante.
Après une première participation en 2016 (722e en 47h42) durant laquelle je m’étais juré de ne plus y retourner, j’ai vite replongé. Mais pas seul, cette fois-ci, car nous étions trois potes sur la distance avec Yansé Gara et Sohier Sylvain. Et même cinq gravelinois au total si l’on ajoute Guillaume Descombes (445e) sur le Trail de Bourbon et Jérôme Angele Lory Leguay sur la Mascareignes.Sur cette édition, Yanse et Sylvain étaient soutenus par leurs employeurs et portaient les couleurs de Saga Mercedes et de BASF ; pour ma part je courrais pour Solidaires En Peloton Arsep et la Fondation ARSEP - Vaincre la sclérose en plaques afin de lutter contre la Sclérose en Plaques.
Côté préparation, c’est à la fois mieux armé (35h d’entraînement en + sur les 12 dernières semaines) que j’arrivais au cœur de l’océan indien mais aussi plus fragile et empli de doutes quant à une douleur au talon apparue fin août et qui me fait souffrir dès que j’allonge les sorties et surtout en descente. Frustrant car la tendinose que je traînais depuis janvier n’est plus qu’un mauvais souvenir grâce à l’excellent travail de Cédric Rathe et de Franck Gaeremynck. Je visais un temps inférieur à 45h pour pouvoir tenter le tirage au sort de la Western States, sans pour autant oublier que l’objectif n°1 sur la Diag c’est de couper la ligne d’arrivée !
Atterrissage lundi 16 octobre au petit matin à l’aéroport Roland Garros de Saint Denis. Je partage un tipunch avec Christian Barthélémy (abd cause gros lumbago au 40e), un coureur nordiste super sympa, qui était sur le même vol. Nous profitons d’une danse de Maloya suivi d'un briefing de Robert Chicaud, le boss du Grand Raid, toujours présent.Hormis un manque de sommeil et des problématiques extrasportives dont je me serai bien passé durant les dernières semaines, je suis dans un état d’esprit positif et les trois jours qui précédent le grand départ sont une belle bouffée d’oxygène entre lagon, piscine et cascades. « l’Ile Intense » est juste magique.
Mercredi 18 octobre au matin, direction Saint Pierre pour le retrait des dossards où j'y retrouve les compères et croise pas mal de nordistes : JB Jbb (680e, 46h08), Alexandre Delplace (189e de la Mascareignes en 12h55), la Team LNA avec Renaud Bailly (1553e, 58h15 entre amis)... La star américaine Jim Walmsley (abd Sans Souci) déambule sur le village. Après avoir récupéré le sésame et les cadeaux des partenaires nous allons nous restaurer dans la même crêperie bretonne que l'an passé avec nos épouses. Le cidre passe comme une lettre à la poste; ça doit être une question d’index glycémique. On se retrouvera également le soir à l'hôtel pour partager ce qui sera le rhum de la décompression. 1 verre pour Jérôme, 2 pour Christophe, 3 pour Yanse et 4 pour Sylvain …. N’en tirez pas de conclusion hâtive sur le meilleur régime d’avant course lol L'ambiance est vraiment au top entre nous.
Jeudi 19 octobre, réveil un peu avant 6h du mat à cause d'une voisine aussi discrète qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. On se lance dans la préparation des sacs après avoir consulté la météo avec Jérôme engagé sur la Mascareignes (65km). Un beau casse-tête tellement il y a de choses à caser dans le sac de course et les sacs d’allégement que je retrouverai à Cilaos (67km) et Sans Souci (123km).
Le petit dej et le repas du midi sont copieux. La montre tourne et c'est vite l'heure de la sieste. Je ne dors pas vraiment mais ce moment m’apaise. Réveil 16h45. J'enfile la tenue et le sac qui fait 4/5 kilos, j’avale une dernière assiette de pâtes au blé complet en guise de gouter et hop c'est parti. Je somnole dans la navette tout en savourant le magnifique coucher de soleil sur l'océan indien et la ferveur qui grimpe dans les rues à notre passage.
J'arrive à Saint Pierre vers 19h30 et, cette année, je passe le contrôle des sacs sans encombre. Je retrouve Sylvain, Yanse et son cousin Fulbert (abd car malade) qui sont allongés près des barrières qui s’ouvriront un peu plus tard pour libérer le chemin vers la ligne. Un petit selfie pour nos vieux jours en maison de retraite et hop on fait une sieste sur un sol truffé de cailloux. 21h20, « Tout le monde debout ! » comme dirait les Negmarrons. L'hymne du Grand Raid prend les tripes. Les barrières s'ouvrent et là ça sert des coudes sévères comme à la bande de Dunkerque pour se faire une place de choix sur la ligne. Je me retrouve quelques mètres derrière les élites, j’aperçois Charles Hubert Queval (abd Cilaos) et sa femme Pauline (abd début Taïbit), d'autres nordistes vice-champions de France de raid multisports entraînés par Guillaume. Par contre, j'ai perdu mes deux acolytes dans la bande. Je sais que l'on se retrouvera vite car nous avons décidé de partir sur bon tempo tout au moins jusque Domaine Vidot (14e km) pour éviter les bouchons. Je profite de ce moment juste magique. Les artères de Saint Pierre sont bondées et c'est la fête à tous les étages.
Top Départ, comme prévu je me cale sur un rythme sympa mais qui me permet tout de même de savourer l’instant. Pas question de faire grimper le cardio. La ville est en ébullition, c’est grisant. Des milliers de mains se tendent pour nous faire des checks, les yeux des enfants brillent d’admiration. Sur les premiers kilomètres de plat, je slalome entre les quads de Canal + Grand Raid tout en appréciant le feu d’artifice. Sur les premières pentes la foule est tellement dense que le passage ne s’ouvre qu’à notre approche comme sur le tour de France. Bientôt le serpentin de frontales entre dans les champs de canne à sucre alors que j’aperçois une magnifique étoile filante. Je vous laisse deviner le vœu que j’ai pu faire…
Au 7e kilomètre mes compères me rattrapent. On échange quelques mots. Sylvain va trop vite, je ne préfère pas jouer avec le feu. Je fais un kilomètre avec Yanse mais pas plus, il part comme cendrillon avant minuit. A Domaine Vidot, j’avais imaginé passer autour de la 500e place mais ce n’est pas évident de se faire une idée en course. En réalité, je pointe 131e contre 1293e en 2016... Une dizaine de places derrière mes compères. Autant dire que je ne perdrai pas de temps dans les bouchons cette année. Comme prévu je ralentis un peu mais à dire vrai je n’aurai pas pu tenir ce rythme beaucoup plus longtemps. La nuit défile alors que les sensations sont mi-figue mi-raisin d’autant plus que je régresse logiquement au classement. La douleur au talon est présente mais supportable, par contre j’ai les deux genoux qui tiraillent sévère ainsi que la hanche. Le moral n’est déjà pas au top qu’en compagnie d’une centaine de coureurs dont Yanse, je m’égare quelques minutes juste après le nouveau ravito de “Nez de Bœuf” qui remplace celui de Piton Textor. Après m’être fait déposer dans la descente vers Mare à Boue, je suis 377e (49e km). Je me jette sur un Carry Poulet qui fera office de petit dej et je retrouve Yanse qui termine son repas. Sous la grisaille, on essaie de se remonter le moral mais à ce moment-là nous ne sommes pas des plus glorieux et il reste 116km…
Le jour se lève et au fil de la montée du Coteau Kerveguen, je retrouve d’excellentes sensations d’autant que le paysage est magnifique. Je repasse Yanse et une trentaine de coureurs dans la montée ; par contre cette descente mythique est ultra technique et dangereuse : 750m de dénivelé négatif en 2.2km. Pas de question de prendre des risques démesurés pour ma part et comme je ne suis pas technique en descente, je perds quasiment tout ce que j’avais gagné. RRRRrrrrr.
Une fois en bas, le paysage est somptueux. Je profite d’une portion bitumée pour appeler Elise et lui faire part de mes craintes sur mon état. Elle n’en parlera pas afin de ne pas inquiéter mes proches.
J’arrive ensuite à Cilaos où je récupère le sac d’allégement. Bye bye les Hoka Speedgoat 2, welcome les Sportiva Akasha. Je ne traîne pas dans cette cuvette surchauffée et je prends le sentier qui mène au pied du Taïbit. Je suis dans le dur et il me faut un peu de temps pour comprendre que je suis carencé en sodium. Heureusement, trois TUC plus tard ça repart. La fin d’ascension du Taïbit passe comme un velours tout comme la descente vers Marla ou j’arrive à 14h. J’adore ce lieu improbable, véritable porte d’entrée du cirque de Mafate.
Ça y est, je vais pouvoir profiter du cirque en plein jour contrairement à l’an passé. Le spectacle est grandiose notamment lorsque nous passons sur une crête vertigineuse surplombant les nuages entre deux ravins. De jour, je me sens d’avantage en sécurité. La pénombre tombe et mon cerveau transforme les pierres et la végétation en forme originales, tantôt j’aperçois des animaux imaginaires, tantôt Anakin Skywalker… Apriori c’est la même chose pour tout le monde.
J’enquille sur un train de sénateur (donc surement mais mollement, s’il fallait le préciser) les kilomètres jusqu’au ravitaillement de Grand Place École au km98.
Grand Place, c’est un Ilet où se trouve le ravito qui annonce la montée du Maïdo et où je pointe en 404e position. Après 100km de course c’est donc l’équivalent de 125 montées des escaliers du PAarc qui nous attendent ! Un velours. Mais avant cela, la nuit est tombée et je suis fatigué ; je trouve une place dans une tente et demande au bénévole de me réveiller 20mn plus tard sauf que c’est bondé, ça bouge et je vous passe les odeurs ; je tarde à trouver le sommeil j’allonge donc la pause de 10mn mais en vain. Et mince, dans l’obscurité, j’ai mis mon short à l’envers, doublure apparente… oups je rectifie le tir. Au moment de repartir, j’aperçois Yanse allongé mais éveillé. On échange quelques mots, un sourire et puis je me lance sur la 1ère partie d’ascension qui mène à Roche Plate avec ACDC à fond dans les oreilles. Je n’utilise jamais de musique habituellement mais je voulais tenter l’expérience. Cet endroit est terrible car on aperçoit des frontales 2000m plus haut et on a tendance à les confondre avec les étoiles d’autant plus que le ciel scintille de partout.
A Roche Plate que l’on pourrait qualifier de cour des miracles ; je suis super bien alors je fais le gourmand en me lançant dans l’ascension Maïdo Tête Dure après un ravito express et en me disant qu’il faut profiter de cet état de forme. J’esquive de justesse une chauve-souris qui allait me foncer dedans ébloui par la frontale. Après un joli coup de bambou, je relance bien en fin d’ascension et voilà le sommet. J’ai repris 80 places sur les 15km pour 2000m+. Yes !!!! J’avais gardé un bon souvenir de la longue descente de 13km qui mène vers Sans Souci ; un peu trop car elle n’est vraiment pas si roulante surtout en pleine nuit. Je suis fatigué, j’hésite à faire une sieste mais j’aperçois trop de rongeurs pour me laisser tenter. Juste avant d’arriver au ravitaillement, je suis bêtement un coureur et nous nous égarons bernés par un catadioptre de voiture que l’on a pris pour du rubalise. Et hop encore 10mn de perdues. Comparativement à 2016, ce sera d’ailleurs l’unique section que je parcourrais plus lentement.
A sans Souci, je me restaure mais je sature du salé et j’ai des hauts le coeur. Je n’ai plus d’appétit si ce n’est pour les crêpes à la confiture.
Et hop ça repart avec ce passage toujours sympathique à travers la rivière des galets. La portion qui mène à Dos D’âne, n’est pas la plus belle du parcours ni la plus dure mais le rythme est correct. Sur le Chemin Ratineau qui suit, au milieu des lianes, je double le nordiste Emmanuel Hadoux (616e, 45h25) qui habite désormais à la Réunion et qui souffre de la cheville depuis le 85e km. En warrior, il ralliera l’arrivée en 45h tout de même ! Bravo !
Puis voilà, la Possession, en bord de mer, ou je retrouve Elise Isaert - Legoutheil et Jules qui me rapportent la Pompote dont je rêvais et de la Saint Yorre ! C’est bon pour le moral même si je ne traîne pas trop car le soleil recommence à taper. Et ce n’est pas cette année que je vais me réconcilier avec le chemin des Anglais qui brûle déjà à 10h du matin… Une gentille dame m’accompagne sur plusieurs hectomètres et m’arrose régulièrement avec sa bouteille d’eau.
A Grande Chaloupe, je refais les niveaux et je repars pour les 800 derniers mètres de dénivelé positif vers le Colorado. Plusieurs habitants ont sorti les tuyaux d’arrosage et nous apportent un peu de fraîcheur salvatrice bien que le vent fort nous sèche rapidement. La fin d’ascension pique mais l’approche de l’arrivée me donne l’énergie nécessaire pour faire le trou sur quelques poursuivants. Dernier ravitaillement, je mets le t-shirt obligatoire fourni pour l’arrivée et me voilà parti pour l’ultime descente et pas la moindre… C’est vraiment un chantier.
Et là, la magie opère. Jules et Elise m’attendent à l’entrée du Stade ; Jules me fait rire car il a décidé de se faire son arrivée solitaire en sprint sous les applaudissements. Je coupe finalement la ligne 320e /2570 au départ pour 41h01 de course pour mes 41 ans ça colle ! soit 6h41 de mieux que l’an passé. Elise est émue ; je réponds à une question du speaker avant de retrouver les amis venus m’accueillir. Sylvain qui a terminé dans le temps canon de 35h03 et à la 116e place est resté sur le stade pour nous attendre. Il vient juste de conclure une saison hallucinante avec des performances de premier plan sur tous ses objectifs (AMT, TCO, Kylian Classic, Grand Raid…).
Un peu moins de deux heures plus tard c’est Yanse que nous accueillons, son sourire et les larmes de Céline sont émouvants. C’est son 3e Grand Raid et il a terminé les 3 qui plus est en explosant son record !
Comme c’est bon d’avoir conclu l’affaire à trois et en remplissant largement nos objectifs ! Il n’y a pas de doute l’effet de groupe nous a boosté même si nous avions choisi de faire chacun nos courses pour ne pas nous retrouver sur de faux rythmes. Les traits sont tirés mais les sourires sont là ! On l’a fait et cette aventure restera gravée.
Comme je l’ai dit, je dédis cette course à mon papa et à toutes les personnes atteintes de sclérose en plaques. Vous êtes nombreux à m'avoir demandé si j'avais mis en place une cagnotte en ligne pour l'aventure dans le cadre de Solidaires En Peloton Arsep , si vous souhaitez faire un don en ligne à l'Arsep (même minime c'est le geste qui compte) pour la recherche contre la maladie je serai encore plus comblé : https://www.arsep.org/fr/faire-un-don/. Comme sur l'île de la Réunion, les petits ruisseaux font les grandes cascades.
Epilogue : J’ai beau avoir fini moins éprouvé qu’en 2016, je suis tombé endormi à 19h dès le début de ma séance de Compex. Musculairement la récupération est plus rapide que l’an passé, par contre je me sens bien plus fatigué. Je vais m’employer à ne pas tomber dans le piège de l’euphorie connu l’an passé et je vais prendre le temps de récupérer. Concernant les prochains objectifs, j’espère un tirage au sort positif pour l’UTMB 2018, probablement la Mascareigne en mode coach, peut-être un marathon au printemps et un ultra de 100km en mai/juin ; à voir !Merci à tous !
Remerciements (entre autres) :- Franck Gaeremynck (rééquilibrage et techniques innovantes, osthéo)- Cédric Rathe (ondes de choc et tecar au top, kiné)- Vanessa Braye (massage sportif à la fois relaxant et dynamisant)- Stephane Sabine Louka Maxine (conseils expert kiné/ostheo)- Hélène Hayotte Sophrologue Psychomotricienne Gravelines (conseils sophro)- Frédérique Garat (la conférence nutrition était instructive)- Cryopale Calais (la cryo à -150C qui aide à aborder les compets) - Air France et CE Lignes (billets R1/hôtel)- Compex France (je ne peux plus m’en passer depuis 3 ans)- Solidaires En Peloton Arsep et la Fondation ARSEP - Vaincre la sclérose en plaques pour votre action au quotidien pour lutter contre la Sclérose en Plaques- RDL RADIO , Le Phare dunkerquois - Le Journal des Flandres , La Voix du Nord Dunkerque et DELTA FM pour le partage de l’aventure- L’ensemble des organisateurs et bénévoles du Grand Raid Réunion - Officiel- Le Team Gravelines Trail pour l’état d’esprit et les encouragements qui mettent une bonne pression. Quelle belle aventure humaine que ce team !- Tous les amis, collègues et la famille qui ont envoyé de bonnes ondes - Mily Mily Sohier Couvreur, Celine Gara, Angele pour nous avoir supporté et pour la comm au top !!!!- Sylvain, Yanse et Jéjé, partenaires de cette belle aventure et Guillaume Descombes même si l’on ne s’est pas croisé- Et surtout Elise pour sa patience et son soutien au quotidien !Et oups, j’allais oublier : RHUM Charette bien sûr !
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